" Dans tous ses films, qui sont des films d'amour et de tourment, les personnages luttent contre le mal de vivre, la fuite inexorable du temps, veulent faire de l'absolu avec de l'éphémère. Et même s'ils ne racontent pas la vie de Guy Gilles, ils sont autobiographiques; une suite de rencontres, les blessures inguérissables d'une passion récurrente. "
Jacques Siclier
Critiques
Soleil éteint
Au biseau des baisers
L'Amour à la mer
Pop Age
Au Pan Coupé
Vie Retrouvée
Le Partant
Le clair de terre
Proust, l'art et la douleur
Absences répétées
Le Jardin qui bascule
Saint, martyr et poète
La Vie Filmée
La loterie de la vie
Le Crime d'amour
Un garçon de France
Nuit Docile
ÉCRAN 75 : Le jardin qui bascule, sortie le 14 mai 1975
Avec obstination, Guy Gilles poursuit avec un certain bonheur une carrière pourtant bien mal engagée avec quelques courts et longs métrages d’une agaçante préciosité et d’une laborieuse poésie préfabriquée. Ses progrès sont cette fois incontestables et l’aventure de ce loulou tueur à gages tombant amoureux de la mystérieuse et riche originale qu’il est chargé d’abattre dégage un vif sentiment de mélancolie et d’amertume. Le scénario pêche sans doute par l’absence de vraisemblance et d’insertion dans le réel et de ce fait nous touche peut-être moins profondément qu’on le souhaiterait et l’unité de ton du film n’est pas toujours assurée (numéros de Bedos et Moreau plutôt injustifiés). Mais la frustration, l’insatisfaction, l’errance morale de ces personnages en marge du monde sont exprimées avec nuances par des interprètes très bien dirigés. Et la mise en images, un peu maniérée, d’une lenteur appliquée, mais subtile et envoûtante est adéquate au sujet.
H.M.
Numéro 37, juin-juillet 75, p. 67 (D.R.)
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CINÉMATOGRAPHE
Par Jacques Fieschi
Selon une mode récente dont on souhaite le décès, c’est un Guy Gilles psychopompe qui tance l’objet de désir (Philippe Chemin) dont il a fétichisé la blondeur. Casque d’Or : - La vie est une tartine de merde. Guy Gilles : Il n’en est rien. Une piscine proche sommeille ; nous sommes sur une eau qui dort. L’impuissance à dialoguer, à narrer gomment ici le souvenir des charmes intermittents du Pan coupé et de Clair de terre, même si on avait jadis surestimé leur joliesse, ce mobilier d’un fragile magasin de la mémoire. Une sensiblerie s’épanche. La composition du plan, son immobilisme décoratif, pétrifient l’anecdote, policière ou hétérosexuelle, malgré la beauté de Delphine Seyrig qui, crânement, délivre en souriant un texte infime.
Le paysage érotique de Guy Gilles en vaut un autre. On le prie donc de croire davantage en son phantasme, de planter sa caméra dans un bar de banlieue, d’en observer la faune, ses hiérarchies, ses rumeurs, ses cuirs, ses gourmettes. Il pourrait être le ciseleur d’une société d’enfants frustes. Mais Le jardin qui bascule est un renoncement, l’inutile bibelot d’un cinéaste qui travestit fadement son désir.
Numéro 14, août-septembre 1975.
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L'EXPRESS
Deux jeunes dévoyés se font inviter à la campagne chez une femme qu'ils ont mission de tuer. L'un s'enflamme pour l'hôtesse qui s'abandonne parce qu'elle le sent épris d'absolu et qu'il fait doux le soir sous les marronniers. Quand elle met fin à ce grand amour de trois semaines, il la tue... Guy Gilles occupe une place à part dans le cinéma français. Celle d'un cinéaste sensible qui mêle poésie de cartes postales et bonheur perdu.
Romantisme discret et fuite du temps. L'histoire de gangsters n'apporte rien, mais ce portrait de femme met Delphine Seyrig joliment en valeur.
G.J.
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L'HUMANITÉ
Un regard tendre, par Albert Cervoni
Après un essai intéressant (Au Pan coupé) , Guy Gilles s'était affirmé dès son second film (Clair de terre) comme un auteur au talent très personnel.
La sensibilité plastique et la sensibilité affective sont des qualités que l’on retrouve emmêlées an même degré dans Le Jardin qui bascule, son quatrième long-métrage.
À travers un argument assez joliment rocambolesque (une histoire mystérieuse de jeunes tueurs à gages), on assiste à la démonstration d’une acuité toujours aussi hypersensible, mise à regarder et les gens et les choses. Les paysages et les objets, les visages et les gestes. La couleur même chez Guy Gilles est une forme d'affectivité. Elle traduit une attention, un respect manifeste pour de vieilles rues de quartier, pour les bords entraperçus d’une rivière, pour le rire de Delphine Seyrig, pour le masque marqué de rides d'Anouk Ferjac, pour les visages jeunes, pour la beauté des corps, pour la joliesse d’un bibelot.
On peut se trouver aux antipodes de l'univers de Guy Gilles mais on ne pourra jamais nier la délicatesse, la dignité du regard jeté sur cet univers bien clos, bien cohérent, exposé avec une rigoureuse simplicité, sans aucune afféterie mais avec une préciosité sincère, spontanée à l’auteur.
C’est un peu au cinéma de grande production l’équivalent d’un tableau de cheval et par rapport à une grande composition. On comprend que Jeanne Moreau, que Guy Bedos (chaleureux, drôle dans son rôle de " pied-noir ") aient tenu à prendre amicalement leur part à ce film qui est surtout un beau film sur l'amitié et la tendresse.
Ce film passe dans les salles Bonaparte et Biarritz.
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SYNOPSIS
Dans l'ambiance trouble et bruyante de la nuit du 14 juillet, un patron de bistrot est abattu. L'assassin est un jeune homme de 25 ans : Karl. Il a tiré sans plaisir, sans désir particulier; simplement pour exécuter un contrat.
Le lendemain, "Monsieur Paul" va le charger d'une nouvelle mission; il s'agit d'une femme : Kate, qui vit dans une grande villa de la région parisienne en compagnie d'un homme : Michel Poicard, dont "M. Paul" sait peu de choses. Karl devra travailler avec le jeune Roland, dont c'est la première mission. Grâce à Michel Poicard, dont le rôle est trouble, les deux garcons parviennent à entrer dans la vie de Kate. Karl ne doit pas parler, seulement tirer. Mais il tombe vite dans le piège qu'est le charme de cette femme qui sait être à la fois douce et cruelle.
Dès qu'elle lui aura parlé, dès qu'elle l'aura touché, Karl oubliera sa mission, séduit à la fois par Kate, par sa maison perdue dans les fleurs et les arbres, et par la chaleur presque familiale qui entoure sa vie : Michel, l'amant de toujours qui sait l'aimer et la protéger tout en acceptant ses aventures avec d'autres hommes; sa filleule qu'elle élève dans la joie et l'harmonie. Tout étonne le jeune homme à qui la vie a mis, malgré lui peut-être, une arme dans les mains. Alors l'amour s'empare de Karl.
Il ne pourra plus vivre sans Kate.
Après quelques jours et quelques nuits passés ensemble, Kate le rejette brusquement. Karl quitte la maison dans les fleurs, se réfugie dans un hôtel et, terrassé par la douleur, tente de revoir Kate qui ferme ses portes, refuse de lui parler et de le voir.
Malgré les conseils de Michel, lorsque Karl retournera un jour vers Kate, ce sera pour la tuer et mourir avec elle.
Le crime crapuleux est devenu crime passionnel.