Guy Gilles   Cinéaste français (1938 - 1996)
Guy Gilles

" Dans tous ses films, qui sont des films d'amour et de tourment, les personnages luttent contre le mal de vivre, la fuite inexorable du temps, veulent faire de l'absolu avec de l'éphémère. Et même s'ils ne racontent pas la vie de Guy Gilles, ils sont autobiographiques; une suite de rencontres, les blessures inguérissables d'une passion récurrente. "

Jacques Siclier

Critiques

Par Jean de Baroncelli

Déjà dans Au pan coupé, la précédent film de Guy Gilles, existait la personnage de ce garçon mélancolique et rêveur, épris d'absolu, incapable de supporter le monde qui l'entoure et de se supporter lui-même, toujours désireux de fuir ailleurs... Mais, tandis que dans Au pan coupé, cet entant du siècle n'était qu'un fantôme auquel donnaient vie des souvenirs de la femme qui l'avait aimé et qui ne pouvait se résoudre à l'avoir perdu, nous le voyons dans Le clair de terre tenter de réagir, s'arracher à la morosité de son exil parisien et partir en pèlerinage aux sources de son enfance.
Cette enfance, c'est avec la Tunisie pour lui qu'elle se confond. Une Tunisie où il est né, où il a vécu jusqu'à l’âge de six ans, dont sa mémoire ne garde que des impressions fugitives, d'obscurs lambeaux d'images, et que pourtant il est sûr de reconnaître, tant son père lui en a parlé.
Le voilà donc, ce garçon qui erre dans Tunis et dans ses environs, et qui, au hasard de ses promenades, de ses rencontres, découvre les fragments d'un passé englouti. Passé qui est moins le sien que celui de ses parents, mais qu'il s'approprie à mesure qu'il le ressuscite et qui fait de lui le témoin de la jeunesse de son père, de la beauté de sa mère, de leur bonheur perdu.
" Qu'on rit, qu'on pleurs, le temps s'en va " .... Nostalgie des vieilles rengaines populaires, des cartes postales dont les couleurs fanées évoquent ce qui n'est plus. Chaque image du film de Guy Gilles renvoie à cette obsession de la fuite du temps. L'ombre de la mort est partout présente. L'angoisse se mêle à la mélancolie, et c'est toujours comme s'il les voyait pour la dernière fois que le héros pose sur ses interlocuteurs, sur les objets ou les paysages qui l'entourent, son regard étrangement insistant
Avec Au pan coupé et Le Clair de terre, Guy Gilles amorce une oeuvre dont le caractère autobiographique apparait extrêmement original. Ce ne sont pas des souvenirs anecdotiques qu'il relate, c'est l'histoire d'une sensibilité. Sans doute y a-y-il dans Le Clair de terre quelques digressions inutiles, quelques complaisances. Mais qu'importe! C'est le ton du film qui retient notre attention, c'est la voix de l'auteur. C'est aussi la qualité de l'interprétation (Patrick Jouané, Annie Girardot, Edwige Feuillère surtout, bouleversante de simplicité, d'humanité). C'est parce qu'il éveille nos propres souvenirs que ce film, d'une pudeur extrême, d'une constante retenue, nous touche si profondément Bien que plus proustien que stendhalien, Le Clair de terre s'adresse en priorité aux "âmes sensibles"..
(Studio Git-le-Coeur).

Jean de Baroncelli, Le Monde (D.R.)