Guy Gilles   Cinéaste français (1938 - 1996)
Guy Gilles

" Dans tous ses films, qui sont des films d'amour et de tourment, les personnages luttent contre le mal de vivre, la fuite inexorable du temps, veulent faire de l'absolu avec de l'éphémère. Et même s'ils ne racontent pas la vie de Guy Gilles, ils sont autobiographiques; une suite de rencontres, les blessures inguérissables d'une passion récurrente. "

Jacques Siclier

Critiques

Par Jeannick Le Tallec

Juin 1959. A demi-assoupi, dans le train de Limoges roulant vers Paris, Laurent d'Entraygue, un tout jeune homme, laisse sa pensée vagabonder. Le ramener à Bellac, le pays d'enfance et d'adolescence qu'il vient de quitter. Et surgit l'image de son père, le sous-préfet, qui a assuré son éducation. Celle de sa mère, plus floue : il ne l'a rencontrée qu'une fois, petit garçon, ignorant alors qui elle était. A-t-il compris, quand il a su qu'elle s'appelait Maria Lulsa Rodriguez, qu'un sous-préfet ça n'épouse pas une étrangère d'orgine incertaine à qui il a fait un enfant ? Aujourd'hui, le père de Laurent est mort, mais c'est le souvenir de sa mère qui l'obsède. Il se rend dans la capitale, avec l'espoir d'y retrouver sa trace. Sitôt installé, il entreprend des recherches que, ses ressources s'amenuisant, il mène bientôt de pair avec la quête d'un emploi. Ainsi devient-il barman dans une boite de nuit de Pigalle, “La maison rose”. Un établissement dont les habitués, avec des mines de conspirateurs, ne cessent d'évoquer mélancoliquement le temps béni où ils vivaient en Algérie. Laurent écoute, distraitement. En fait, il n’a d’yeux que pour Mado, la patronne (?) – qui pourrait être sa mère – parce qu’elle ressemble, à son avis, à Lana Turner.
Avant même la diffusion, il y deux ans, de « Vichy-Dancing », un téléfilm réalisé, comme celui-ci, d'après un de ses romans, on connaissait déjà la passion de Pascal Sevran pour les années 40-50 et le music-hall de la même période. Goût confirmé par les émissions qu'il a animées ou anime sur TF1 et FR3. Goût qu'il veut nous faire partager - et il y réussit - en nous offrant, avec l'aide de Guy Gilles, la reconstitution minutieuse de l'ambiance d'une époque et et de son environnement. Affiches de cinéma, panneaux publicitaires, partitions musicales, allusions à l'actualité artistique et politique, dominée par le conflit algérien, rien ne manque. Surtout les chansons. Interprétées de sa voix profonde et si particulière par Anny Gould, qui en fut plus ou moins la créatrice, elles accompagnent l'histoire de bout en bout. La présence de comédiens dont on parlait beaucoup dans les années où elle se situe ajoute encore à sa puissance nostalgique. Ainsi est-il émouvant de retrouver Françoise Arnoul, toujours belle, dans un rôle voisin (Mado) de ceux qui firent sa célébrité. Mais son côté « garce » s'est effacé, pour laisser place à quelque chose de tendrement désabusé. Et le jeune Pascal Kelaf (Laurent) - jeu sobre et visage romantique - s'intègre très naturellement dans son univers.