" Dans tous ses films, qui sont des films d'amour et de tourment, les personnages luttent contre le mal de vivre, la fuite inexorable du temps, veulent faire de l'absolu avec de l'éphémère. Et même s'ils ne racontent pas la vie de Guy Gilles, ils sont autobiographiques; une suite de rencontres, les blessures inguérissables d'une passion récurrente. "
Jacques Siclier
Critiques
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Le CLAIR DE TERRE de Guy GILLES, Le GENOU DE CLAIRE d'Eric ROHMER
par Anisette CHAMBERLIN
Au spectateur projeté, d'un écran à l'autre, au centre des plus amples problèmes tels que la révoution, la violence, les conditions de vie sociales, etc… il arrive que des cinéastes proposent encore une réflexion plus intimiste, dans une optique moins vaste. C’est le cas de Guy Gilles avec Le clair de Terre et d'Eric Rohmer avec Le genou de Claire.
Tous deux parlent d'un homme qui veut se mieux connaître, se situer par rapport aux autres et, pour tous deux, les cadres géographiques, les paysages, jouent un rôle important dans l'évolution psychologique des êtres. Mais ces deux hommes sont très différents de tempérament et de par la nature même de leur recherche, comme sont différents les deux realisateurs dans leur moyens de s'exprimer : tandis que Rohmer tient un propos et l’illustre avec des images, Guy Gilles, lui, se tait beaucoup, mais nous livre des visions, telles qu'elles l'habitent, au ryhtme qui est celui de sa démarche intérieure, syncopées ou romantiques, fulgurantes ou langoureuses.
(…)
La beauté dans l'image quotidienne
C'est tout autrement pire Guy Gilles s'adresse à nous : il est moins question de comprendre ou d'entrer dans un jeu que de ressentir d'âme à âme l'authentique et le beau. Guy Gilles a dit dans une interview : “ Je ne cherche pas le beau, je le trouve". Tel quel, ce peut paraître prétentieux, mais, pour qui a vu son film, c'est évident... Non seulement sa sensibilité sait appréhender la beauté dans l'image la plus quotidienne, mais - et c'est là le don mevreilleux de l'artiste véritable - il sait la transmettre, la " rendre ", avec une justesse telle que nous nous sentons touchés directement. On ne peut pas poiler d'esthétisme, dans la mesure où le créateur n'apparaît pas comme médiateur entre la vision et notre propre émotion esthétique.
Une analyse de son film est plus que difficile : indésirable. On peut tout au plus poser quelques jalons, en ne perdant pas de vue qu'ils ne sauraient délimiter les dimensions de l'œuvre, définir sa qualité qui est justement de faire éclater les cadres de l'espace et du temps.
Pierre (Patrick Jouané) a 20 ans. Il est né en Tunisie mais il a quitté très jeune son pays natal et vi à Paris, dans le quartier du Marais, où se sont regroupés de nombreux “pieds noirs” d’origine juive. Il est au milieu, mais non parmi eux, et il ne se sent pas chez lui : c'est homme de “nulle part”. Le regard qu'il pose sur les autres, les relations qu'il entretient avec eux, sont floues, quoique non dénuées de chaleur humaine. Mais il lui faut regarder plus loin, chercher autre chose.
S'il choisit de faire un voyage en Tunisie, c'est moins à la recherche de sa jeunesse (il n'en a point de souvenirs), que de celle de ses parents. Ce qui l'attire, ce qu’il trouve en partie, ce sont des gens qui soient " enracinés ", sans avoir perdu pour autant le sens de l'imagination et du rêve. Rien de cela n'est vraiment dit. Le film est fait de ce qu'il voit : images vives, hachées parfois, scènes de la vie de ceux qu'il côtoie et où il se trouve en spectateur, attentif mais non actif. A Tunis, il retrouve une ancienne amie de sa mère, qui aime profondément le pays où elle vit, comprend la quête jeune homme et sait l'épauler sans l'entraver. C'est Edwige Feuillère qui joue ce rôle de le manière simple et discrètement émouvante qui convient au personnage et au ton de l'oeuvre.
La dernière image du film comporte la mention " à suivre " : Guy Gilles prépare en effet une suite au Clair de Terre, mais il veut aussi donner à penser qu'il n'y a pas à conclure sur cette dernière visite; la démarche se poursuit, la route, toutes les routes restent ouvertes.
Anisette CHAMBERLIN. (D.R. )