Le miracle GENET : A propos du prochain " Plain-chant " (Antenne 2)

par Hélène Martin

« Si vous pouviez me voir sur ma table penché / Le visage défait par ma littérature / Vous sauriez que m'écœure aussi cette aventure / Effrayante d'oser découvrir l'or caché / Sous tant de pourriture... »
Jean Genet.

Si souvent, dans les notes proposées à la presse pour ma série " Plain-Chant ", je revendique - en tant que « producteur » - le scénario, l'idée maîtresse, l'adaptation ou ma participation active, c'est qu'il y a lieu de le faire. Mais aujourd'hui ce n'est pas le cas : je suis devant le travail solitaire de Guy Gilles. Devant sa poésie, et celle qu'il a reçue de Genet.
Bien entendu, je suis responsable de ce film. Il existe grâce à ma croyance au langage et à la vie poétiques. Grâce à ma ténacité auprès de la télévision française, afin qu'elle " permette ", après quatre années, cette approche de Jean Genet.
Mais il s'agit là - avant tout - du poème filmé de Guy Gilles. Sont à ses côtés, l'émotion, la connaissance, l'intelligence du regard, et de très bons interprètes qu'il sait aimer (1). C'est-à-dire MENER là où ils doivent aller.

Plusieurs rencontres de travail ont éclairé nos désirs et volontés réciproques, au cours desquelles j'ai proposé à Guy ma perception de Jean Genet, la connaissance que j'ai de son chant et l'amour que je lui porte. Il savait mes soucis majeurs :
- Pas de rétrospectives complaisantes.
- Pas de didactisme ni de rhétorique.
- Mais " bouger " avec le poète jusqu'en son AUJOURD'HUI et son FUTUR. (Tout au moins tenter de le faire.)

Guy Gilles m'a-t-il entendue ? Ce n'est pas à moi de répondre.
Si nous sommes devant la poésie, souhaitons que Genet la reconnaisse comme venant de lui. Sinon qu'elle soit transparence jumelle et passagère, porteuse d'humilité et d'enthousiasme.
Aucun autre de ces deux mots ne peut mieux nous traduire, Guy et moi, dans l'heure présente.

N'étant pas dans le circuit des productions privées, il est clair que c'est grâce à la télévision que des producteurs-auteurs tels que moi ont pu réaliser de tels films : sorte d'anthologie vivante. C'est le moment de rendre cet hommage à l'Office (R.T.F.) auquel je dois vingt-trois « PlainChant », dont - avec plusieurs de ses réalisateurs - nous sommes fiers. Vingt-trois enfants conçus dans la joie mais souvent (pour ne pas dire toujours), imposés, défendus dans une difficulté extrême.
Ce " Plain-Chant " Jean Genet est l'avant-dernier. Mais l'aventure n'est peut- être pas finie.

Aujourd'hui, je puis parler de cette émission avec le recul nécessaire. Dès ma première rencontre avec Guy Gilles, j'ai su qu'il était poète et solitaire. N'étant pas encore homologuée et ne possédant pas tous les secrets de la réalisation, lui confier la « mise en images » du poète que nous aimions d'une même ferveur, c'était admettre - non sans douleur - que les " épousailles " m'échappaient d'emblée. Je le dis avec d'autant plus de plaisir que j'adhère infiniment à ce film.

Et puis... Kafka, Aragon, Genet... d'eux me viennent des images toujours renaissantes, des respirations souveraines. Par eux se reforme mon sang. Ils reviendront à mes regards dans mes réalisations prochaines.
Je voulais dire aussi - et particulièrement aux poètes- combien la musique et sa recherche quotidienne, lente, minutieuse, m'aide à percevoir, à découvrir le phénomène poétique et sa perfection. Qu'il s'agisse de Genet ou de quelques autres. Il faut savoir que pour le compositeur que je suis, humilité et complicité marchent ensemble.

Hélène MARTIN

(1) Patrick Jouané, Philippe Chemin, Brigitte Ariel, Ludovic Lutard. Avec la participation de Jeanne Moreau.
P.S. - L'émission d'Hélène Martin, " Plain-Chant - Jean Genet " sera diffusée sur Antenne 2 le lundi 7 juillet à 21 h 30.